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Pour ceux de 14
14 juin 2007

Le départ du 56e pour le front ...

toujours vu par Jean MAROT

Le soir du 5, le 56e part. Tout Chalon est massé sur les trottoirs en couloir d'enthousiasme, laissant à peine la place de la colonne. Au-dessus des têtes pressées, je ne vois que les baïonnettes luisant aux lumières, et le drapeau. Belle émotion : vraiment, ces gens qui crient :" Vive la France ! " comprennent, à cette heure, ce qu'ils disent, et se comprennent entre eux. Cette foule de Bourgogne prompte à la gaieté, jette, encore ce soir, presque de la joie dans l'angoisse de ses acclamations. Au long de ce boulevard, si fou les jours de fêtes, un courant d'affection coule à plein avec ces hommes qui vont se battre pour ceux qui restent. Cela vaut bien de s'en aller sur les pavés raboteux, sous le sac trop lourd, vers tous les risques .

Et celui du 256e ...

moins glorieux, mais relaté avec humour par le même Jean MAROT

LE DEPART

Chalon-sur-Saône, 11 août 1914

[...]

Le 11, tout est fin prêt. Pour partir a midi, on nous a rassemblés dès sept heures. C'est la règle .

[...]

Des excités ont dévalisé les jardins alentour : il y a des fleurs sur les sacs, aux canons de fusils,des bouquets aux pointes de baïonnettes. Une compagnie a un petit drapeau à chaque fusil

" Garde-à- vous ! " Le colonel au poil gris passe sur le front du régiment ; puis il se hisse à cheval, tire son petit sabre d'adjudant et se révèle orateur. Il fait cacher les petits drapeaux : " A cette heure tragique, il n'y a qu'un drapeau : celui du régiment ... etc... - Et maintenant, ne pensons plus à ce que nous laissons derrière nous. En avant sans tourner la tête... "

La clique attaque la:inarche du 56e, ce qui fait ruer les chevaux des voitures. Fouillis de bruits : commandements, cliquetis d'armes, piaffements, " Ho ! Ho ! " des muletiers, " Serrez ! Serrez ! " des cabots... et là-dessus les couacs des clairons.

La grille ! ... Hier, j'ai .embrassé ma femme entre les barreaux. - Demain ... Enfin, allons-y !

Défilé en ville. Il y a foule, mais peu d'enthousiasme : on a tout usé pour l'active ; il n'en reste plus pour la réserve. Quelques pelés crient " Vive la France ! " et leur répondent trois tondus. Une dame offre au colonel une gerbe de fleurs somptueuse ; c'est une attention délicate du gros clairon X ... riche boucher de la ville, qui saura exploiter ce détail pour s'embusquer, plus tard à la voiture à viande .

Soleil d'aplomb et retour par le pavé, capté par les effets de drap neuf, condensé sous le sac, fondant le crâne et lessivant les cravates.- Sac à terre dans l'avenue près de la gare. Peu d'ombre. Des jeunes gens nous apportent du coco ; un bistrot liquide en rien de temps un plein camion de limonade.

[...]

Savants mouvements, calculs profonds pour amener juste assez d'hommes devant chaque compartiment. On y empile sacs, fusils, équipement, puis les hommes. Impossible d'y rester : il fait trop

chaud. Les capotes retournées sèchent au soleil leur doublure trempée. On s'approvisionne d'eau, plein les seaux de toile ; on mouille les bidons, à l'extérieur (ne confondons pas). Distribution de vivres adaptés à cette chaleur : sardines à l'huile et gruyère. Mon compartiment s'est muni déjà de chocolat, de charcuterie et d'un melon. Cependant nous aurons faim vers le soir.

Tout en suant dans les wagons surchauffés, on argumente sur la destination possible. La seule probable est Gray. On assure que le colonel n'en sait pas plus, qu'ïl trouvera des ordre en route. On se demande où est le 56e, et, des renseignements qui se croisent, il ressort que personne n'en sait rien.

Bientôt ces curiosités nous passeront. Nous ne chercherons plus où sont les camarades : ils ne sont pas mieux que nous. Quand nous aurons aperçu ce qu'on voit quand on arrive, nous ne serons plus si pressés d'arriver ; nous aimerons mieux douter que de savoir. Nous ferons des économies de questions, itinéraires ayant compris qu'il est vain de chercher quand on ne peut choisir, qu'il est plus simple d'accepter le mytère des destinations ... et des destinées.

LE TRAIN .

Chalon-sur-Saône, 11 août 1914

Le train part - ce train qui nous emmène à la gloire et à la mort - aussi bêtement qu'un train quelconque. A peine quelques douzaines de curieux, et muets. Au pied des montagnes de caisses d'essence de la station-magasin, une guirlande de territoriaux présente les armes (cela fait plaisir quand même).

...

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Commentaires
L
bonjour<br /> je recherche des documents du régiment d infanterie dépot de Mende de 1914 (142 régiment )<br /> mon papa était engagé merci
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