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Pour ceux de 14
11 décembre 2008

Qui étaient les Hommes ?

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Pour la troisième fois dont deux en moins d’un an le carré musulman de la nécropole nationale de Notre Dame de Lorette a été profané.

L’association «  Pour ceux de 14 » mémoire bourguignonne de la Grande Guerre  s’indigne et se fait l’écho de tous les hommes de bonne volonté devant ce crime renouvelé. Quand la méchanceté et la bêtise s’associent à l’ignorance cela donne immanquablement l’intolérance.

Pour faire juste mesure on ajoutera aussi la lâcheté : il est plus facile de profaner des tombes en 2008 qu’il l’était de faire une patrouille de nuit au même endroit  en 1915.

Qui étaient les hommes dont les tombes ont été profanées ?

Mourir en Artois

Dès l’invasion de la France en 1914, les Allemands s’étaient solidement implantés sur deux collines stratégiques à une quinzaine de kilomètres au Nord d’Arras : la colline de Notre Dame de Lorette et la Colline de Vimy, cette dernière dénommée par les militaires, cote 140.

Il fallait à tout prix – terme d’un usage courant dans les états majors de l’époque- s’emparer de la cote 140. De là on aurait débouché dans la plaine de Douai, repris la guerre de mouvement et repoussé l’ennemi hors de France. . Il était cependant nécessaire ,au préalable, de conquérir la colline de Notre Dame de Lorette qui surplombait les positions françaises.

Carency, Ablain-Saint-Nazaire, Souchez, Neuville-Saint-Vaast, La Targette, Bois de la Folie, autant de noms à la résonance sinistre. Les attaques pour emporter ces objectifs constituent la bataille d’Artois, une des plus meurtrières de la grande guerre. La nécropole de Notre Dame de Lorette est la plus importante de France. Elle contient 40 000 morts dont 20 000 inconnus en ossuaires, ce qui donne une idée de l’âpreté des combats. Il convient d’ ajouter à ce total macabre, les soldats dont les corps furent rendus à leur famille, ainsi que les milliers à jamais disparus , qui n’auront jamais de sépulture. Le temps passe sur cette immense nécropole éloignée des régions de France qui ne furent pas directement ravagées par la guerre. Les hommes de bien oublient…1915 ,il y aura bientôt cent ans.

A l’extrémité Ouest du cimetière sont alignées tournées vers la Mecque les tombes des  centaines et des centaines de Tirailleurs tués pour défendre ce pays qui n’était pas le leur.

Des braves parmi les braves

L’obsession du commandement était la Percée ! La percée qui allait donc déborder les armées allemandes, permettre de reprendre la guerre de mouvement jusqu’à la victoire. Telle était l’ambition de l’offensive du 9 Mai1915 avec pour objectif principal la cote 140, c’est-à-dire la Colline de Vimy. Parmi les très nombreuses unités engagées, la division marocaine. Dans cette division, deux régiments retiendront notre attention :le 4ème tirailleurs de marche et le 2ème régiment de marche du 1er étranger qui constituaient la 1ere brigade.

La 2ème brigade était constituée du 8ème zouave de marche et du
7ème tirailleurs de marche.

Partis de leurs positions à 10 heures en un seul élan, Tirailleurs et Légionnaires ont traversé toutes les défenses allemandes sur une profondeur de 5 kilomètres.

Laissons l’écrivain Blaise Cendrars alors combattant dans les rangs du régiment de marche de la Légion Etrangère ,  témoin et acteur, nous raconter cette attaque :Le rêve de notre Etat Major avait pris forme. La percée était réalisée et de quelle façon !Elle ne fut pas exploitée faute de moyens. Cet exploit fut accompli par ces hommes qui venaient d’ailleurs pour défendre - et avec quelle bravoure - un pays qui n’était pas le leur. Ce sont les tombes de ces braves qui ont été profanées par trois fois.

L’OFFENSIVE DU PRINTEMPS

Il y a exactement trente ans de cela. Oui, il y avait du nouveau. Mais ce n’était pas « l’offensive du printemps », ce grand tralala des états majors qui n’avait pas abouti. Nous, une poignée d’hommes, nous avions bien percé, nous. (Le 9 Mai 1915, à 12h1/4, mon escouade et moi, nous étions sur la crête de Vimy, avec quelques braves types, 2-300 hommes en tout, égarés comme nous qui avions poussé de l’avant en sautant quatre lignes de tranchées allemandes sans tirer un coup de fusil, et le front était crevé) ! Mais les états majors qui avaient monté cette offensive et qui nous avaient fait coudre des carrés de drap blanc dans le dos pour que l’artillerie puisse suivre notre progression à la lunette ( on sait qu’au printemps les dépôts de projets de « mouvement perpétuel » et de «  quadrature du cercle » à l’Office international des patentes à Berne se font plus nombreux que pendant les autres saisons), les états majors, eux, ne croyaient pas à la fameuse percée et quand nous eûmes atteint la crête de Vimy (que les Canadiens ne reprirent qu’en 1918) avec nos carrés blancs dans le dos nous fûmes une jolie cible pour nos 75 et , dès que nous bougions, pour les 77 et les gros noirs autrichiens qui nous amochaient, sans parler des Allemands que nous avions dépassés et qui nous visaient dans le dos avec autant plus d’aisance.

A 3 heures de l’après midi, le renfort ennemi arrivait en autobus de Lille et nous les tirions descendant de voitures, à 300 mètres. Le renfort français n’arriva que le lendemain soir, à 7 heures. Des pauvres vieux. De la territoriale. Ils avaient fait 75 kilomètres à pied. Enfin nous étions relevés,72 hommes en tout. Mon escouade n’avait pas trop trinqué. Et le 11 juin, il avait fallu remettre ça à Souchez et à Carency. A peu près dans les mêmes conditions de manque de jugeote et de manque de foi de la part des états majors, d’incurie, de misère, de massacre, de tuerie pour nous, sauf qu’on ne parlait plus de percée, les Boches étant alertés. Il paraît que c’est Pétain qui avait monté ça. Pétain ou as Pétain, c’était tout un.

Blaise Cendrars «  La main coupée »

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Notre dernier poilu récemment parti, Lazarre Ponticcelli  était un ancien du Régiment de marche de la Légion Etrangère : un étranger parmi les étrangers volontaires pour défendre notre pays.

Malgré d’effroyables pertes les Français ne prirent jamais la côte 140. Les Canadiens l’enlevèrent de haute lutte le 17 Avril 1917 au prix de milliers de morts. Ils considèrent la colline de Vimy comme le lieu fondateur de leur nation. Eux aussi étaient des étrangers. La France reconnaissante leur a fait don à perpétuité de ce haut lieu.

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Hommes soyez humains
Nous prendrons la conclusion, lumière dans les ténèbres, comme on allume un cierge à un autre cierge, sur les lieux mêmes de l’immense nécropole de Notre Dame de Lorette.  Elle s’adresse à tous et en permanence, profanateurs compris, dont on ose espérer qu’ils ne savent pas ce qu’ils font . Levons les yeux vers la lanterne des morts, lisons et méditons :

« Vous qui passez en pèlerins près de leurs tombes

Gravissant leur calvaire et ses sanglants chemins

Ecoutez la clameur qui sort des hécatombes

Peuples soyez unis, hommes soyez humains »

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Signé : Association «  Pour ceux de 14 »

Mémoire bourguignonne de la Grande Guerre

Chalon sur Saône

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Commentaires
M
Merci d'avoir écrit ce texte : quand de tels actes se passent, il faut dire et redire ce que vous avez si bien dit.<br /> <br /> J'ai presque envie d'écrire "la bêtise ne passera pas"
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